Véhicules électriques & expertise : quand technicité rime avec prévention

La voiture électrique a connu un essor considérable ces dernières années. On compte une augmentation très nette du nombre d’immatriculation de ce type de véhicule suite aux changements écologiques et sociétaux. A titre d’exemple, en France en 2020 le nombre de véhicules électriques vendus s’élevait à 110 900, contre 10 400 en 2015. Soit une augmentation de 1 000% en seulement cinq ans. Bien que la pandémie ait modifié les habitudes de déplacements, cette croissance s’explique principalement par une avancée technologique ainsi qu’une réelle prise de conscience écologique ? Et pourtant, ces véhicules électriques, récents sur le marché, posent la question de nouveaux besoins assurantiels et donc des expertises qui en découlent.

Une évolution du moteur thermique au moteur électrique

Les constructeurs automobiles proposent une offre de plus en plus large en termes de véhicules à motorisation électrique allant de la micromobilité (trottinettes, vélos …) aux véhicules familiaux, sportifs et industriels. Le 14 juillet 2021, en réponse à l’urgence environnementale, la Commission Européenne a annoncé la fin de la commercialisation des voitures thermiques d’ici 2035. Bien que ce pacte écologique favorise l’essor du moteur électrique, il y a une réelle prise de conscience de la population sur les impacts des émissions de gaz polluants. En parallèle, les restrictions d’utilisation du thermique, les divers scandales au sujet de la motorisation diesel ainsi que la raréfaction prochaine des énergies fossiles font également la part belle au moteur électrique. 

Véhicule électrique ou thermique, quelle différence de Responsabilité Civile ?

Les régimes de responsabilité qui s’appliquent pour les véhicules électriques sont identiques à ceux de leurs homologues thermiques à savoir : 

  • La responsabilité civile automobile du fait de l’implication des Véhicules Terrestres à Moteur (loi Badinter) en cas d’accident de la circulation ; 
  • La responsabilité civile professionnelle pour les professionnels de l’automobile. 

En terme assurantiel et avec le recul que l’on peut avoir, aucun changement notable n’a eu lieu et aucune recrudescence de sinistre pour les véhicules électriques n’a été observée. D’ailleurs, la sinistralité des véhicules électriques devrait même être amenée à baisser dans le futur, notamment lorsque cette mobilité sera associée à la technologie conduite autonome. Aujourd’hui, en termes de sinistralité incendie, aucune statistique ne permet d’affirmer qu’un véhicule électrique présente plus de risque qu’un véhicule à propulsion thermique. 

Quel risque principal ?

Comme pour toutes nouveautés, l’apparition de nouvelles technologies ne se fait pas sans nouvelles problématiques qui nécessitent d’être retenues avec tout autant d’attention. Souvent à la une des médias, les incendies de véhicules électriques ou les campagnes de rappel, il est à noter que les incendies causés par une cause technique intrinsèque à la chaîne de propulsion électrique demeurent en réalité assez rares.  Comme pour tout engin motorisé, le risque d’incendie existe mais il est avant tout lié à des causes exogènes (volontaire ou propagé au véhicule). Outre les accidents « classiques », c’est la technologie de la batterie à technologie lithium qui est le principal facteur de risque dans les véhicules électriques. Cette dernière qui concentre une importante densité d’énergie est particulièrement sensible aux emballements thermiques et notamment en cas de soumissions à des chocs ou à des températures de fonctionnement anormalement élevées.  

Afin d’éviter tout risque de chocs, les constructeurs des véhicules électriques placent généralement la batterie sous le véhicule afin d’en maximiser sa protection. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les secours ont un accès difficile à celle-ci : des batteries très protégées pour éviter les chocs mais paradoxalement moins accessibles en cas d’incendie, ce qui engendre parfois des reprises de feu condensant l’énergie toujours disponible dans un faible volume.  Cependant, ce problème de réplique de feu est connu au niveau des batteries lithium mais n’est pas du tout spécifique aux véhicules électriques ! En effet la batterie lithium est partout : ordinateurs, téléphones portables, outils électroportatifs, … c’est une technologie de batterie très largement déployée dans d’autres domaines que l’automobile (ordinateurs, téléphones portables…).   

Des risques différents

Les risques ne sont donc pas plus importants mais différents : la majorité sont liés aux dommages corporels qui peuvent survenir lors d’une intervention sur le véhicule sinistré ou à réparer. En effet, les secours et les intervenants professionnels ne sont pas forcément encore habitués à prendre en charge ces véhicules dont le premier danger reste les tensions électriques pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de volts. C’est pourquoi il est nécessaire que tous les intervenants aient une habilitation ainsi qu’une formation spécifique avec sensibilisation au danger du courant électrique. La partie électrique de la chaîne de traction demandant une extrême prudence, le risque provient du fait que les intervenants ne connaissent pas ce process très particulier liés à cette technologie (moyens de protection, mise hors tension, …). A contrario, le risque est amoindri, voire nul si les personnes sont bien formées. Les pompiers ont notamment une formation spécifique pour ces véhicules et utilisent une application pour savoir où se trouve la batterie et la zone de déconnexion électrique sur les différents types de modèles de véhicules.  

 

Quel que soit le secteur d’activité, le risque zéro n’existe pas. D’ailleurs il n’a jamais existé pour les véhicules thermiques non plus ; il s’agit de la même situation ici pour les véhicules à moteur électrique où la technologie est en constante évolution permettant une progression tant en autonomie qu’en sécurité. Ainsi, de nouvelles technologies de batterie lithium vont arriver sur le marché, notamment la batterie lithium à électrolyte solide beaucoup moins sensible aux emballements thermiques. Afin de faire face à cette évolution, les infrastructures ainsi que les collectivités territoriales devront s’adapter en implantant des bornes électriques sur l’ensemble du territoire par exemple. Il en est de même pour l’hydrogène dont le virage semble être pris, le développement des stations de recharges en hydrogène devra être développé.  Parce que notre avenir en dépend, la mobilité du futur sera verte et décarbonée et le métier de l’expert devra toujours plus se spécialiser et se tenir informé des nouvelles technologies impactant le monde de l’automobile.  

 

Jean-Luc CIVEYRAC 

Expert Responsabilité Civile 

Spécialiste Motors 

groupe Stelliant 

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