Sécurité routière : tout savoir sur le nouveau contrôle technique des motos et voiturettes

Le 24 octobre 2023 a marqué un tournant pour les propriétaires de deux roues, trois roues et quadricycles motorisés en France. Un arrêté, publié au Journal Officiel, instaure désormais le contrôle technique obligatoire pour ces véhicules, soulignant une évolution majeure dans le paysage de la sécurité routière. Nicolas Fontanille, expert en Responsabilité Civile du Risque Technique spécialiste du matériel deux roues et de la mobilité urbaine chez Stelliant Expertise, décrypte les enjeux de cette nouvelle réglementation, ses implications pour les conducteurs, et les premières retombées observées. Entre obligations de conformité et impacts sur la culture des motards, cette mesure suscite de nombreuses questions et réactions.

Retour d’expérience

Le contrôle technique est désormais obligatoire pour les véhicules de la catégorie L, à la suite d’un arrêté publié au journal officiel le 24 octobre 2023.

Cette nouvelle réglementation marque un tournant pour les propriétaires de cyclomoteurs, motos, scooters, tricycles à moteur et quadricycles.

Notre expert en Responsabilité Civile spécialiste des deux roues et de la mobilité urbaine au sein de Stelliant Expertise Nicolas Fontanille, nous en dit un peu plus.

Une nouvelle norme pour les motards et conducteurs de voiturettes

Le contrôle technique s’applique à tous les véhicules de la catégorie L, à la suite d’un arrêté publié au journal officiel le 24 octobre 2023. Cela inclut non seulement les scooters et les motos que nous connaissons bien, mais aussi les side-cars et voiturettes sans permis.

Pour rappel, la catégorie L concerne :

  • Les cyclomoteurs
  • Les motos
  • Les scooters
  • Les tricycles à moteur
  • Les quadricycles légers et lourds

Bien que l’application du contrôle technique à certains véhicules puisse sembler à la marge, il est crucial de comprendre ses implications. Les défaillances constatées, telles qu’un moteur débridé et des freins inefficaces, sont plus courantes qu’on ne le pense.

Les véhicules électriques ne sont pas encore concernés, probablement en raison de la sensibilité du sujet. Pour les véhicules les plus anciens, mis en circulation avant le 1er janvier 2017, le contrôle doit être réalisé en 2024, dans les quatre mois suivant leur date anniversaire de mise en circulation.

Par exemple, un véhicule mis en circulation le 2 mai 2005 devra être présenté au plus tard le 1er septembre 2024. Ensuite, le premier contrôle technique doit être effectué entre 4 ans et demi et 5 ans après la date de mise en circulation, et renouvelé tous les 3 ans. Lors de la vente d’un véhicule de plus de cinq ans, un contrôle technique de moins de 6 mois est nécessaire. Horreur suprême, la réglementation prévoit que le contrôleur appose un timbre sur la carte grise mais aussi une vignette sur le pare-brise pour ceux qui en sont équipés, dans le cas contraire aucune modalité n’est inscrite pour le moment.

Les véhicules mis en circulation avant 1960 et ceux utilisés dans le cadre d’activités sportives (enduro, trial, moto de piste) sous licence de fédération ne sont pas concernés.

Les rouages du contrôle : points clés à surveiller

Pour l’essentiel les contrôles concernent les points suivants :

  • l’état des freins ;
  • l’absence d’émissions polluantes et sonores excessives ;
  • l’état des équipements de direction (volant, guidon, colonne) ;
  • le fonctionnement des feux, dispositifs réfléchissants et équipements électriques ;
  • l’état des rétroviseurs ;
  • l’état des essieux, roues, pneus et suspensions.

Ces contrôles semblent de bon sens, mais des détails comme la modification des dimensions de roues peuvent poser des problèmes. La culture moto a souvent permis des libertés en termes de création et d’inventivité, comme ce tuk-tuk sur-vitaminé. Les points de contrôle peuvent être consultés sur le site UTAC-OTC.

De nombreux points sont laissés à l’appréciation du contrôleur qui, rappelons-le, n’a aucun rôle de conseil dans le cadre de sa fonction. Le défaut est présent ou pas à l’instant « T » de son intervention.

Le propriétaire peut demander à assister le contrôleur, notamment pour manœuvrer la moto. Cependant, cela reste au bon vouloir du contrôleur, qui peut apprécier de l’aide pour faire une marche arrière sur une moto lourde, ou un peu haute, par exemple. Les forums de motards rapportent déjà des incidents où des motos sont tombées pendant le contrôle.

L’acceptation d’une nouvelle règle : entre sécurité et liberté

Les tentatives de mise en place de ce contrôle ont commencé bien avant la pandémie de COVID-19. A cette époque déjà les pouvoirs publics demandaient aux contrôleurs techniques des voitures de s’équiper et de se former pour avoir la capacité de recevoir le flux des motos et assimilés. Il n’y a eu aucun retour sur investissements pour ces contrôles techniques pendant des années.

Les associations de motards ont longtemps résisté à cette mesure, qui est perçue comme une nouvelle restriction. Les arguments de sécurité se heurtent à une culture de la liberté et de la gestion individuelle des risques. Aussi, aujourd’hui beaucoup de motards voient d’un mauvais œil ce contrôle réglementaire. D’un côté les arguments sur la sécurité, le nombre de morts par an sur les routes et la proportion de deux roues impliquées dans la sinistralité. De l’autre, un marché économique en pleine expansion, une culture de la liberté du déplacement et une connaissance historique de la gestion des risques et du danger.

Dans l’esprit des motards, le fait de protéger le conducteur est une lutte en amélioration permanente, casques, bottes, gants, gilets air-bag, ect le fait d’avoir une moto en parfait état de fonctionnement est un prérequis évident, c’est plutôt la course à l’armement qui prévaut : meilleurs pneumatiques, meilleures suspensions, meilleure position de conduite…

Lorsque les motards demandent de leur laisser la responsabilité individuelle de l’état de leur machine avec laquelle ils connaissent les dangers qu’ils encourent et demandent en contre partie des aménagements collectifs des infrastructures, de la route, de la signalisation et de la prévention, les ministères répondent par une contrainte réglementaire à laquelle les bandits ont l’habitude d’échapper. Il n’y a qu’à voire les statistiques du nombre d’automobilistes et de motards qui roulent sans permis et sans assurance, alors l’option contrôle technique devient un luxe pour certains.

Les premières statistiques : un bilan alarmant

Les premiers contrôles techniques révèlent des statistiques alarmantes. Le doigt est mis sur une problématique jusque-là peu identifiée, les défaillances des voiturettes sans permis.

Environ 30% de ces dernières n’ont pas obtenu l’autorisation de circuler en raison de défauts critiques, tandis que 10% des motos ont été rejetées, principalement en raison de problèmes de pneumatiques. Ces chiffres concernent des véhicules de cinq ans et plus. Le marché pourrait évoluer avec cette nouvelle réglementation, affectant la valeur des véhicules et la dynamique des ventes.

Ces données concernant les voiturettes font tout de même froid dans le dos, sachant que ces dernières sont, pour la plupart, utilisées par des jeunes qui n’ont pas encore le permis de conduire ou par des moins jeunes qui l’ont perdu pour une raison X ou Y. Concernant les motos, il semble que la défaillance relevée le plus souvent concerne les pneumatiques.

Cela n’a rien d’étonnant car le remplacement des roues par des roues de dimension différentes était une modification courante sur les motos anciennes et les motos restylisées de type chopper, café racer, bobber, sportive… Ces statistiques devraient fortement baissées lorsque seuls les véhicules qui atteignent l’âge des cinq ans seront présentés et lorsque les propriétaires seront sensibilisés aux différents critères du contrôle.

Le marché économique risque de changer également car les ventes vont contraindre les propriétaires à faire passer le contrôle. Si le parc est épuré d’un côté par des véhicules dont le coût de réparation est important et n’en vaut pas la peine, les véhicules restants vont se prévaloir d’une valeur supplémentaire. Les voiturettes et les motos pas chères vendus sans contrôle cacheront surement des défaillances d’importances. De beaux jours pour nos experts en la matière…

En tant qu’expert en assurance, et compte tenu de l’éthique de notre métier, nous avons pris attache avec des centres de contrôles qui paraissent très réservés sur le sujet et indiquent que le peu de centres qui sont équipés pour les motos ne voient pas ou peu de véhicule arriver alors qu’on leur avait prédit un rush de tous les véhicules immatriculés avant 2017 uniquement sur l’année 2024. Il semblerait qu’une grande partie des véhicules présentés soit ceux concernés par une transaction avec obligation du document pour établir la nouvelle carte grise.

Le retour sur investissement de leurs matériels et de leurs nombreuses formations n’est pas encore source de profit.

chiffres clés
+30%
des défaillances des voiturettes sans permis
n’ont pas obtenu l’autorisation de circuler en raison de défauts critiques
+10%
des motos ont été rejetées
principalement en raison de problèmes de pneumatiques
1960
les véhicules mis en circulation avant cette date
utilisés dans le cadre d’activités sportives (enduro, trial, moto de piste) sous licence de fédération ne sont pas concernés.

Vers une nouvelle ère de conformité : enjeux et perspectives

Le contrôle technique des véhicules de la catégorie L s’impose en France, mais ses effets sur le marché et la culture des motards restent à observer. Le moment est peut-être encore un peu tôt pour étudier des statistiques, à moins de vouloir affoler la population et créer comme bien souvent des inégalités entre les usagers de la route. Des statistiques plus globales permettront d’en tirer des enseignements à long terme. Mais le sujet est tout de même important tant il conditionne un secteur économique en plein essor et risque de changer la culture du déplacement libre prôné par les motards. L’activité de la première année sera intéressante, mais surtout la comparaison avec la seconde année et le rattrapage des véhicules les plus anciens.

En attendant soyez vigilant sur la route. Nous rappelons que chaque utilisateur est responsable de l’état de fonctionnement et de l’entretien de son véhicule.

Comme le dit l’adage : « Qui veut voyager loin ménage sa monture » – Jean Racine, Les Plaideurs, 1668.

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